... Signée par une soixantaine de directeurs de lieux culturels, festivals et compagnies membres du Syndeac
le 4 juin 2014


Monsieur le Premier ministre,
 
Nous dirigeons des théâtres, des festivals, des compagnies qui œuvrent pour la création et la diffusion du spectacle vivant sur l’ensemble des territoires. Acteurs du secteur public des arts et de la culture, nous vous interpellons solennellement pour vous demander que l’accord Unédic signé le 14 mai dernier par les partenaires sociaux ne soit pas agréé en l’état par votre gouvernement.
 
Les mesures prévues pour les annexes VIII et X viendraient aggraver le système en vigueur depuis 2003, dont les règles ont déjà prouvé leur injustice et leur inefficacité. Les salariés les plus précaires et les structures les plus fragiles seraient particulièrement affectés par la nouvelle hausse de 2 points des cotisations patronales et salariales, le nouveau différé d'indemnisation concernant 48% des intermittents contre 9% actuellement dès 8300 € bruts en 507 heures sur 10 ou 10,5 mois ainsi que le plafonnement du cumul des salaires et des indemnités mensualisé plutôt qu'annualisé en lien avec une date anniversaire comme nous le préconisions.
 
Depuis plus de dix ans, le Syndeac, d'autres organisations professionnelles et des parlementaires membres du Comité de suivi de la réforme de l'intermittence ont établi des propositions précises pour une réforme équitable et durable de ce régime spécifique d'assurance chômage. Une étude commandée à deux chercheurs indépendants a permis de démontrer la justice sociale et l'efficacité économique du modèle alternatif que nous défendons.
 
De même, l'Assemblée Nationale et le Sénat ont mené en 2013 des auditions sur l'emploi artistique et proposé à leur tour des pistes de réforme. Les négociations paritaires de cette année auraient dû être l'occasion d'analyser ces propositions concrètes. Mais tous ces travaux ont été ignorés par certains partenaires sociaux.
 
Le ministre du Travail a été interpellé ces dernières semaines par de très nombreux élus de gauche, demandant par courrier ou en question publique de ne pas agréer cette nouvelle convention pour ces mêmes motifs de justice sociale et de prise en compte des propositions de réforme existantes.
 
Alors oui, nous attendons plus d’un gouvernement de gauche que le strict respect du dialogue social paritaire. Nous attendons beaucoup plus d’un gouvernement de gauche que la seule préservation des annexes spécifiques pour les intermittents du spectacle. Nous attendons d'un gouvernement de gauche autre chose que des Assises dilatoires et la promesse d'une caisse de bienfaisance. Et nous attendons toujours d’un gouvernement de gauche les preuves d’une ambition pour la culture.
 
Agréer la convention en l’état relèverait d’une provocation au regard de la situation sociale de notre pays et de son niveau de chômage. Ce serait une erreur, voire une faute, à la veille des festivals d’été qui font le rayonnement international de notre pays : déjà le Printemps des comédiens de Montpellier est stoppé dans son envol... et demain ?
 
Il serait sage d’entendre enfin la juste colère des artistes, des techniciens, des professionnels de la culture. Il serait sage d’entendre aussi les inquiétudes que près de 100 parlementaires et élus locaux ont adressées par courrier au ministre du Travail pour lui demander de ne pas signer ce texte.
 
Avec eux, à travers la justice et l’équité d’une réforme du régime de l’intermittence, nous défendons aussi le développement humain, culturel et économique des territoires. Parce que l'humain est le moteur de tout acte de création, il est impératif de préserver ces emplois.
 
Nous continuons d'attendre de votre gouvernement qu'il renonce à agréer en l’état cette nouvelle convention Unédic ou qu'il accepte à tout le moins d'y surseoir pour partie : les annexes VIII et X méritent en urgence une nouvelle concertation élargie.
 
Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier ministre, l'expression de notre haute considération.